Constructibilité en zone agricole ou naturelle : le cas des unités de méthanisation

Les énergies renouvelables ont le vent en poupe, les pouvoirs publics se sont pleinement impliqués dans le développement de celles-ci notamment de la méthanisation.

Selon l’ADEME à l’horizon 2030 les quantités de biométhane injectées dans le réseau de gaz naturel pourraient représenter 14 % de la consommation de gaz.

Le potentiel de développement de la méthanisation est donc important et de nombreux projets pourraient voir le jour.


Dans la grande majorité des cas, les unités de méthanisation ont vocation à être implantées à proximité immédiate des fermes, c’est-à-dire en zone agricole ou naturelle ou l’inconstructibilité est de mise.

Toutefois, le législateur a prévu une série de règles dérogatoires à l’inconstructibilité de principe de ces zones notamment en présence d’installations nécessaires à des équipements collectifs ou d’installations nécessaires à l’exploitation agricole.

Dans le secteur de l’énergie la qualification d’installations nécessaires à des équipements collectifs est retenue depuis longtemps pour les parcs éoliens[1] et les installations photovoltaïques[2] lorsque l’électricité a vocation à être injectée dans le réseau public.

S’agissant des installations de méthanisation il conviendra, en pratique, de distinguer deux situations :   
     

1° si l’électricité ou le biométhane produit a vocation à être injecté dans le réseau public la qualification d’installation nécessaire à un équipement collectif semble donc évidente.

 Cette position enfin consacrée par la jurisprudence[3] semblait toutefois acquise puisque dans une réponse ministérielle en date du 13 septembre 2016 le Ministre du logement précisait que « lorsque l'énergie renouvelable produite est destinée à la vente, l'unité de méthanisation peut alors être définie comme une installation nécessaire à des équipements collectifs. La notion d'équipement collectif a été précisée par le juge qui vérifie que les projets assurent « un service d'intérêt général correspondant à un besoin collectif de la population » (CE 18/10/2006 no 275643) ».


2° si l’électricité ou le biométhane produit a vocation à être majoritairement injecté dans le réseau public mais aussi utilisé par l’exploitant, tandis que la production peut être considérée comme une activité agricole au sens des articles L311-1 et D311-18 du Code rural et de la pêche maritime[4], la qualification d’installation nécessaire à l’exploitation agricole peut être retenue.

 La CAA de NANTES précisait dans un arrêt du 19 juillet 2019 que « le projet litigieux est destiné à valoriser des intrants majoritairement d'origine agricole et que les digestats issus du processus de méthanisation seront épandus sur six exploitations agricoles. De plus, le projet permettra, outre la revente de la majeure partie de l'électricité produite, le chauffage des serres de production de spiruline du fils de M. B...F.... D'ailleurs, plus de 50% des parts de la société pétitionnaire sont détenues par un exploitant agricole et l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que la production, par un ou plusieurs exploitants agricoles, d'électricité par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50% de matières provenant d'exploitations agricoles, est réputée être une activité agricole. (…) ».

 Dans la réponse ministérielle précitée le Ministre du logement précisait déjà que « lorsque l'énergie renouvelable produite est majoritairement destinée à l'autoconsommation d'exploitations agricoles, il convient de vérifier qu'elle constitue une installation nécessaire à l'exploitation agricole. Pour cela, il est possible de se référer à l'article L. 311-1 du code rural, qui définit comme activité agricole « la production et, le cas échéant, la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles. Les revenus tirés de la commercialisation sont considérés comme des revenus agricoles, au prorata de la participation de l'exploitant agricole dans la structure exploitant et commercialisant l'énergie produite ». Cependant, et en application du principe d'indépendance des législations, ce critère n'est pas suffisant pour qualifier ces unités de méthanisation d'installation nécessaire à l'exploitation agricole au titre de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme, la condition de nécessité à l'exploitation agricole devant être justifiée ».

 
En conséquence, si l’unité de méthanisation relève de la qualification d’installations nécessaires à des équipements collectifs ou d’installations nécessaires à l’exploitation agricole alors elle pourra très certainement être autorisée à s’implanter en zone agricole ou naturelle.

 

[1] CAA Douai, 15 décembre 2005, n° 05DA00438, « Sté d’exploitation du parc éolien Mont d’Hezecques » / CE, 13 juillet 2012, n°343306

[2] CAA Nantes, 23 octobre 2015

[3] CAA de NANTES dans une décision du 19 juillet 2019 confirmant la position adoptée par le Tribunal Administratif de Rennes

[4] Article L311-1 : « Sont réputées agricoles (…) la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles (…) ».

Article D311-18 : « Pour que la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation soient regardées comme activité agricole en application de l'article L. 311-1, l'unité de méthanisation doit être exploitée et l'énergie commercialisée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles. Ces exploitants agricoles sont des personnes physiques ou des personnes morales satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 341-2 (…) ».